[1 FOCUS] Israel ARIÑO : photographe – sérendipiteur

ARIÑO Israel (Barcelone 1974), photographe, éditeur (Éditions Anómalas), enseignant à la faculté des Beaux-Arts de Barcelone.

 

« Je ne cherche pas un concept. Mon expérience photographique prolonge l’intuition que je porte sur les choses. »

 

Rencontré il y a deux ans lors d’une résidence dans le centre de la France, Israel Ariño est l’un de nos coups de cœur marquant de ces dernières années. Depuis plus de vingt ans, ce Catalan exalte les détails d’un quotidien intemporel, à travers une photographie en noir et blanc. Dans une approche surréaliste et dans la subtilité, il expérimente de façon précise le hasard et le vivant. D’un tempérament à la fois réservé, posé et causant, il est aussi intuitif et réfléchi, poétique et scientifique. C’est un photographe accompli que la Team IZO a interviewé pour vous à l’occasion de sa rétrospective à la Galerie VU’.

 

Comment définirais-tu ta photographie ?

En photographie, mon point de départ est toujours la dimension émotionnelle et énigmatique. Ce médium correspond le mieux à ma nature profonde. Il est discret, ne montre pas une vision objective de la vie et me permet d’observer le monde.
Mon objectif n’est pas de montrer des évidences, d’apporter des réponses aux questions, mais de réinventer le réel. Il s’agit de suggérer plus que de raconter. Les circonstances m’amènent sur certains sujets et, très souvent, je suis surpris par le résultat. Je ne cherche pas un concept, mon expérience photographique prolonge l’intuition que je porte sur les choses.
Depuis mes débuts, je m’intéresse aux particularités du langage photographique. Les sujets abordés sont des prétextes pour expliquer les choses d’une autre façon.

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Et quelles sont ces particularités par rapport à d’autres disciplines ?

Selon moi, la photographie échappe à la raison. Elle mélange les territoires : la réalité, la fiction, le vivant, l’inertie, le visible et le non visible,… Elle rassemble des éléments en apparence très séparés, fonctionnant en dichotomie. Je peux expliquer des choses par la photographie, des choses qui n’existent pas en tant que telles. « Savoir ce que les objets deviennent, une fois photographiés », comme l’expliquait Garry Winogrand. Il ne s’agit pas de répéter ce qui existe, de reproduire à l’identique, mais de trouver d’autres voies. La photographie permet de subvertir la réalité. Elle met en relief des parties insolites de la vie ordinaire, du quotidien. Comme disait Brassai: « le réel rendu fantastique par la vision ».

Pourquoi as-tu choisi de varier les techniques photographiques dans ton travail ?Les soeurs nécromanciennes_baja

J’aime ne pas maîtriser une technique, pouvoir l’expérimenter et jouer avec l’inattendu. Découvrir par sérendipité, sans le vouloir au détour de l’expérimentation elle-même.
Le choix de la technique est important car elle met l’accent sur certains éléments. La technique doit servir le propos de la série. Je pense que la photographie, depuis son invention, évoque un processus magique, presque inexplicable. J’aimerais que mes images aient en commun un regard dissonant, mystérieux qui nous renvoie en même temps à l’origine et au contemporain.

 

Quels sont les éléments récurrents dans tes représentations photographiques ?

Le domaine de l’énigmatique sous différentes formes : la disparition, le voyage, le hasard, les territoires échappant à la raison, l’animé ou l’inanimé.
Les personnages que je photographie de dos font référence à une tradition picturale. L’eau est un élément qui se module et que j’aime photographier. Les éléments se répètent et les territoires deviennent indéfinis. L’action n’est pas placée dans une réalité précise. Je crée ainsi des non-lieux.
La forêt en est un exemple. À l’origine, la forêt est un endroit qui se situe « en-dehors », où nous n’avons plus de repères, où la lumière est peu présente.

 

Comme dans la série Obirar ? Parle-nous de cette merveilleuse série.

Cette série est le résultat d’une marche en forêt durant laquelle je me suis perdu, et la nuit tombait. Le paysage est souvent une révélation.
J’ai voulu retranscrire les sensations ressenties lors de ce moment. Obirar, reconsidère la perception que l’on peut trouver en regardant un paysage, les sensations et les sentiments éprouvés dans cette nature intangible.
Le titre, « Obirar » est un mot catalan signifiant « entrevoir, apercevoir ». C’est apercevoir une chose avec difficulté. Cet effort de perception, au bout d’un certain temps, révèlera le sujet. L’image ne se livre pas d’elle-même. Ce n’est pas une expérience raisonnée, logique. Il s’agit d’une relation intuitive avec le paysage, un voyage mental.

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L’accrochage proposé à la Galerie Vu’ est plutôt singulier. Peux-tu nous le commenter ?
Pour l’accrochage à la Galerie VU’, j’ai poussé l’idée d’une narration, intrinsèquement présente dans certaines séries, particulièrement dans la première salle.
L’accrochage est conçu en fonction de la disposition du lieu. Il s’agit d’utiliser les murs pour raconter une histoire, en proposant des lectures verticales, en jouant avec l’alignement des tirages et la diversité des formats.
Dans un livre, la lecture y est différente, forcément horizontale et rythmée par la pagination.

 

Propos recueillis par la Team IZO
Christine Bréchemier & Anaëlle Rod

 

# ACTU:

Exposition à la Galerie Vu’ – Le temps éparpillé (1995 -2015)
du 16 juillet au 12 septembre 2015.
Hôtel Paul Delaroche – 58, rue Saint-Lazare 75009 Paris
+33 1 53 01 85 85
www.galerievu.com

 

Les Photaumnales – En écho
du 19 septembre au 29 novembre 2015.
Vernissage samedi 19 septembre à 14h30 – Galerie de la Tapisserie – Beauvais
www.photaumnales.fr

 

unseen photo fair amsterdam
du 18 au 20 septembre 2015
www.unseenamsterdam.com
Stand Éditions Anómalas

 

www.israelarino.com

www.edicionesanomalas.com

www.filigranes.com

 

Crédit photo: © Israel Ariño